Amer avenir, amer avenir,
bal parmi les rosiers…
- René Char

qu'elle venait ici, les dimanches où j’étais le corps baigné dans l’épiderme de son être, Louise Brooks, monument passionnel du désir, en étroit parallèle dans mes souvenirs charnels, bi-mensualisés sur l’odomètre de ma mémoire, saigné à sec dans nos balades aux vergers des temps.

(début de recherche de notre nouvel âge)

un souvenir matutinal franchit la nuitée: nous étions beaux nus, à vif d’amour sur une danse vissée au porche du temps, dans l’attente béante de l'ouverture des rideaux, dans le calendrier de nos passions. le temps prit congé pour se délasser sur le bas-ventre de la terre.

j’ai patienté des âges le retour de Louise, marguerite décoiffée, et j’ai attendu le moment où ma vie atteignit son mi-chemin. j’ai voulu vivre avec elle ce bref instant où le vent étalait sa romance dans la sobriété du silence, comme un bouquet d’hirondelles par-dessus les vallons du spasme, se faisant un plaisir, un orgasme, à décoiffer la fragilité végétale. le ciel crachait sa nappe de nimbus pleurards et pour cette occasion, au vert tapis d’herbes folles du cimetière Cent Noms, à quelques centimètres du sol, s’élevaient de notre imagination, les fleurs humides et fragiles de notre jeunesse (sous la terre, notre cinéma paradisiaque marinait déjà dans la rosée de l’inconscience).

Louise, sonore dans l’honnêteté et franche dans sa pensée, mélodie son bien-être avec fermeté d'âme et dévoile aux rayons du soleil, la beauté de son corps: un univers beau comme le juillet où s’étire l’innocence, comme une balle perdue dans l'herbe. nu d’impuissance, mon regard se chute de cette vision, l’âcre poison palpable de ma vie. «la gêne te gagne?» me chuchote-t-elle, «là, regarde, les pierres tombales… elles sont les génériques de notre cinéma intérieur. Garbo, Gish, La Marr, Swanson, Damita, Dietrich, Farmer, Monroe, Mansfield, Tate… ne vois-tu pas la lumière qui les auréoles, liesse avec l'air?» et le vent nous cachait bien les autres… le faisceau lumineux du soleil parfumait l’espace du cimetière. partout flottait l'identité de la défunte civilisation hollywoodienne.

la vélocité éolienne détournait les fleurs de leur fonction vers nous et le temps avait rattrapé l'écho des clochers. je baisais les tempes de Louise et glissais vers son oreille, les plus belles étincelles de ma folie. mon visage noyé dans sa poitrine, elle fermait les yeux, tournant sur elle-même, s’arrêtait face au petit bouquet de fleurs hermaphrodites: lentement ses yeux s’entrouvraient sur une abeille ouvrière qui déballait le printemps, de ses ailes, sur les pétales d’une marguerite. Louise avait l’idée de se joindre à elle et son désir fut fécondé. elle plongea tête première dans l'ovule. le printemps en fut quitte pour une nouvelle saison d'allergie. je constatais que ces balades aux vergers des temps ne reposaient que l'esprit de la faune. le paradis falsifié. le chemin du retour se fit en plein bourdonnement. plus rien ne sera comme avant.

(et vous dire que ce sont les fleurs de Rochester
qui couvrent le tout maintenant…)





© 1991 ronald mc gregor.


Passé
Futur

LettresCritiques de filmsGallerie Photos
objectif 62objectif 63objectif 64
Notes et LiensMusiqueWallpapers

louise brooks 03